20ième anniversaire de la « Table de la Solidarité PUBLICA »
Zesumme staark ! Wa jiddereen zielt, huet d’Aarmut keng Chance !
Nous sommes plus forts tous ensemble ! Quand chacun compte, la pauvreté n’a aucune chance !
Une célébration émouvante, marquée par le plaisir de retrouver ou de rencontrer des personnes engagées, et rythmée par de nombreux moments forts : des discours intéressants, la découverte de l’exposition « La plaque commémorative et ses répliques – Un patrimoine mondial de l’humanité », des chants, des mises en scène, des témoignages forts, un gâteau d’anniversaire… !
En début de soirée, Joëlle Christen, présidente d’ATD Quart Monde Luxembourg, a tout d’abord souhaité la bienvenue aux nombreux participants, en remerciant spécialement de leur présence et soutien M. Max Hahn, Ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil, M. Maurice Bauer, député et 1er échevin de la Ville de Luxembourg et Mme Nadine Erpelding, représentante du Ministère de la Culture et les représentants de la société civile et associative. Puis, elle a retracé l’histoire du projet « PUBLICA », ainsi que la signification symbolique des différents éléments de la « Table de la SOLIDARITÉ ».
Cette sculpture en pierre se trouve depuis 20 ans au Luxembourg dans le magnifique cadre du Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster, un lieu emblématique chargé d’histoire. Ses bâtiments portent les traces de nombreuses situations d’injustice et de misère : ils ont notamment servi de prison et d’hôpital.
La « Table de la Solidarité PUBLICA » est l’une des 56 répliques de la dalle commémorative située sur le Parvis des Libertés et des Droits de l’Homme, au Trocadéro à Paris. C’est à cet endroit qu’environ 100 000 personnes venues du monde entier se sont rassemblées le 17 octobre 1987 pour marquer le 30ième anniversaire du Mouvement International ATD Quart Monde. Le message de Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement, gravé sur la dalle originelle, est devenu un symbole fort pour toutes celles et ceux qui luttent contre la pauvreté et pour le respect des droits humains :
« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »
C’est grâce à une militante de la délégation luxembourgeoise qui avait participé au rassemblement au Trocadéro et qui a estimé qu'« une telle pierre commémorative doit également se trouver au Luxembourg, à un endroit important, pour que tout le monde puisse la voir », que le projet est né. Des années plus tard, à la suite de différents contacts, de nombreuses réunions et ateliers - notamment des ateliers d'argile - , des idées et des créations ont émergé, représentant ce que les gens considèrent comme l'essentiel de la vie. Ensemble, l'idée de la table a été retenue, riche en symbolisme, comme l’a exprimé Joëlle Christen dans son discours : « La table illustre la vie, les luttes et les espoirs des plus démunis et de ceux qui les soutiennent. La table est un témoignage vivant des gestes quotidiens de solidarité, de soutien et d'accompagnement. Elle témoigne de l'engagement des citoyens, des responsables politiques et des personnalités de notre société. »
Le projet « PUBLICA » a pu alors se concrétiser début du nouveau millénaire en collaboration avec l’association Coopérations Wiltz et grâce à l’artiste Nika Bakhia, que Joëlle Christen a vivement remercié pour sa présence lors de cette soirée d’anniversaire.
Un élément central de la « Table » réside dans les mains sculptées qui l’entourent : des mains de personnes engagées dans la lutte contre la pauvreté. Certaines de ces mains sont celles de personnes qui ont l’expérience de la pauvreté. D'autres représentent des personnes engagées de divers horizons, notamment d’ATD Quart Monde Luxembourg, du Mouvement International, d’associations-amies, de responsables politiques. Parmi les mains figure aussi celle de la Grande-Duchesse Maria Teresa.
Un détail marquant : une main placée sous la table, invisible au premier regard - symbole puissant de ces personnes vivant dans la pauvreté, souvent ignorées ou invisibilisées par la société. « Mon idée est de mettre ma main sous la table : C’est l’endroit où personne n’ira regarder. Quand on veut atteindre quelque chose. On doit regarder partout, à tous les endroits. Le plus souvent la pauvreté est cachée dans les coins, on ne la voit pas. Les pauvres ne doivent pas se cacher. » Jean W., militant
Et puis, il y a cette place vide, qui porte elle aussi une signification forte. Comme l’a expliqué Joëlle Christen avant d’inviter l’assemblée à une minute de silence, cette place est là pour celles et ceux qui ne peuvent pas encore se joindre à nous. C'est aussi un lieu d'honneur pour commémorer ceux qui sont morts à cause de la misère.
Cette partie de la soirée s’est alors enrichie de différents témoignages, exprimés au moment de la création de la table, dont le suivant : « Main tendue pour donner et recevoir l’amitié, le respect, le courage, la compassion … . Gravée dans cette pierre, elle reste le témoin de ma vie transformée par ceux et celles qui ont un rêve fou de l’humanité réconciliée. Témoin de mon engagement pour la justice et le respect de tout être humain. » Edith Jacobs, une des fondatrices du Mouvement au Luxembourg.
Dans sa prise de parole, le Ministre Max Hahn a repris le thème de la SOLIDARITÉ, en rendant hommage à toutes les personnes, qui agissent dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Il a salué tout particulièrement celles et ceux qui ont la vie difficile et qui malgré cela s’engagent pour que les générations futures puissent accéder à une vie meilleure. Il a ensuite évoqué le futur « Plan National d’Action de Prévention et de Lutte contre la Pauvreté », dont la mise en œuvre est imminente et auquel le Mouvement a contribué de diverses manières. Il a insisté sur l’importance d’une collaboration interministérielle, soulignant que la précarité et l’exclusion sociale touchent de nombreux domaines de la vie des personnes. Les droits humains sont liés et la lutte contre la pauvreté doit être globale.
En deuxième partie de soirée, tous les participants étaient invités à se déplacer vers la « Table de la Solidarité PUBLICA », entraînés par un groupe de militants et de personnes solidaires, dans une mise en scène vivante imaginée par le chorégraphe Gianfranco Célestino. Le point central de cette mise en scène fut une banderole géante, sur laquelle environ 80 personnes - membres d’ATD Quart Monde Suisse, Allemagne et Luxembourg, mais aussi d’autres associations rencontrées au cours de l’année passée (Ensemble Gare-Bonnevoie Inter-Actions asbl et le Bistrot Social de la Croix-Rouge) - ont dessiné et exprimé leurs idées autour du thème de la SOLIDARITÉ.
Une saynète a ensuite illustré les propos précédemment exposés par la présidente au sujet du « pourquoi » et de la symbolique de la table et des chaises, dont les idées suivantes : « …Car la table est importante, elle attire les gens. À la table, on peut se mettre ensemble pour manger, pour passer le temps ensemble. Autour de la table on peut discuter, nous avons tous quelque chose à dire. Une table pour communiquer, pour s’écouter, pour chercher ensemble des solutions. Pour fêter ensemble, pour rire, pour faire des jeux de société. Une table pour la famille et les amis. Mais à la table on peut aussi écrire, apprendre, dessiner. Mais on peut aussi frapper du poing sur la table, quand on est fâché, quand on se sent mal traité. La table est le symbole de la solidarité. … »
Après le passage près de la « Table », la troisième partie de la soirée s’est déroulée en salle. La chorale Home Sweet Home, sous la direction Nicolas Billaux et accompagnée des musiciens de Kinima asbl, a une fois de plus touché le cœur des participants, comme lors des autres moments forts de la soirée. Des chansons puissantes, pleines de sens, de lutte et de SOLIDARITÉ ont accompagné les témoignages de ce 17 octobre.
Chantal Consolini, membre de la délégation générale du Mouvement International ATD Quart Monde, dans son discours a souligné que, partout dans le monde, la SOLIDARITÉ par des gestes solidaires montre que les maltraitances - qu’elles soient institutionnelles ou sociales - ne sont pas une fatalité. Même si elles causent beaucoup de souffrance et détruisent des vies, il est possible d’y mettre fin et cela en écoutant les victimes et en apprenant d’elles. Ainsi il devient possible d’agir ensemble pour changer les choses.
« … Comme ces parents de France qui se mettent ensemble pour dialoguer avec leurs travailleurs sociaux, leurs juges, leurs avocats. Ils demandent le respect de leurs droits et le soutien dont ils ont besoin… . Une aide qui ne soit pas une assistance, mais augmente leur pouvoir d’agir et celui de leurs partenaires. L’avenir des enfants a besoin de tous et toutes. Comme ces femmes de Bolivie qui osent se mettre ensemble pour se dire leur réalité pleine de honte et de culpabilité à cause des violences qu’elles subissent. Elles prennent conscience que cette réalité n’est pas que personnelle. Les causes dépassent le cadre individuel. Elles décident alors de se former pour acquérir des savoir-être et des savoir-faire face aux violences familiales dans le but d’aller au-devant d’autres femmes... »
INTERVENTION CHANTAL CONSOLINI
Bouleversant et fort furent également les prises de parole des représentants des groupes jeunes d’ATD Quart Monde Belgique et de France (Alsace ), qui avaient réfléchi eux aussi au sujet de la SOLIDARITÉ, en parlant de leur vie en tant que jeune dans la précarité et de l’importance de la SOLIDARITÉ dans leur groupe respectif. Les idées et émotions qu’ils ont exprimées ont touché l’auditoire, témoignant de l’importance de leur engagement et de la profondeur de leurs pensées sur des sujets qui leur tiennent à cœur.
« Nous sommes les jeunes de la dynamique jeunesse ATD Quart Monde de Belgique. On vient de Charleroi, la Louvière, Mons, Bruxelles, Dinant. On a entre 16 et 30 ans. Nous nous réunissons un samedi par mois pour partager nos expériences, nous soutenir les uns les autres, parler des injustices qu’on vit, et imaginer des solutions. A travers nos projets nous cherchons à interpeller d’autres et inviter d’autres à nous rejoindre pour faire bouger les choses. Nous sommes réunis parce que nous vivons tous et toutes des situations de précarité, des situations de pauvreté. Ensemble, on a appris que quand t’es jeune dans la précarité, on te met une étiquette, on te dénigre. On n’est pas pris au sérieux, on nous met de côté. On a appris que quand t’es jeune dans la précarité, t’as honte, tu te caches, tu te mets en retrait. T’avances pas. T’as peur du jugement. Être jeune dans la précarité c’est ne pas être reconnu à notre plein potentiel, ne pas être reconnu à notre juste valeur. Quand t’es jeune dans la précarité, on ne te laisse pas faire tes propres choix. Des fois, on a besoin de solidarité. On a besoin d’aides dans les démarches administratives, on a besoin de soutien moral, d’être hébergés, d’un coup de main, de liens et de conseil. Mais au groupe jeune, on apprend aussi à être solidaires d’autres manières. … »
« La solidarité s’y vit pleinement (dans l’antenne de Colmar) et constitue la force et la cohésion de notre groupe. C’est cette même solidarité, cette fraternité, qui a permis au groupe de jeunes de passer d’un simple ensemble d’individus se rencontrant pour échanger sur diverses thématiques à un groupe de frères et soeurs de cœur : des amis qui se soutiennent, s’écoutent, et apprécient tout simplement le temps passé ensemble. Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin, et c’est dans cette perspective qu’on a décidé de mener notre combat contre l’exclusion et la précarité. …
… Avec ATD Quart Monde, je trouve autre chose, bien plus qu’une association, une solidarité qui nous lie les uns des autres en tant que jeune : une écoute sincère, un espace de parole, un soutien. On partage nos expériences, on se soutient mutuellement. C’est une solidarité vivante, humaine, qui aide à tenir bon et à avancer ensemble.
La solidarité, c’est aussi s’inspirer de ce que certaines et certains vivent pour aider d’autres. »
TÉMOIGNAGE BELGIQUE TÉMOIGNAGE FRANCE (ALSACE)
Les derniers témoignages sur le thème de la SOLIDARITÉ sont venus des militants luxembourgeois. Vingt ans après les premières réflexions sur la « Table », ils ont, eux aussi aujourd’hui, pris le temps de réfléchir à ce thème en lien avec la « Table ». Certains des militants d’il y 20 ans sont toujours engagés, d'autres ont rejoint le Mouvement plus récemment, apportant un regard renouvelé.
« La solidarité c’est l’unification
C’est prendre soin de l’autre
La solidarité c’est le partage
La solidarité entraîne la paix et réduit la pauvreté
La solidarité c’est la présence de l’humanité qui vit en nous.
Ensemble nous sommes plus forts et nous avons tous les mêmes droits,
nous sommes tous égaux. »
Et pour clôturer la rencontre, un moment particulièrement émouvant : la toute première présentation de la chanson « Wäertvolle Mensch ». Les paroles sont nées au fil d’ateliers organisés à la Maison Culturelle Quart Monde, tandis que la mélodie a été composée par Gil Kirchen, membre de l’association Kinima asbl.
Avant d’inviter tous les participants à partager le gâteau d’anniversaire, la présidente a invité chacun à venir découvrir, dans les jours à venir, l’exposition intitulée « La plaque commémorative et ses répliques – Un patrimoine mondial de l’humanité ».
Elle a ensuite pris le temps de remercier tout d’abord l’ensemble des participants pour leur présence ; témoignage fort de leur solidarité et de leur engagement en faveur d’une société plus juste et transformée. Les remerciements ensuite ont été nombreux et sincères, adressés à toutes celles et ceux qui, de près ou de loin, avaient contribué à la « réussite » de cette soirée : les équipes du CCRN, les responsables politiques et les représentants de la société civile, l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, les interprètes, les artistes et dirigeants de la chorale Home Sweet Home ainsi que ceux de Kinima asbl, les amis d’ATD Quart Monde venus de différents pays, toutes les personnes impliquées dans la conception et la mise en scène autour de la banderole ainsi que toutes les personnes ayant donné un « autre coup de MAIN ». Enfin, un dernier Merci fut adressé aux membres du Mouvement au Luxembourg, permanents, alliés et militants - sans qui cette transformation de la société, portée par ceux qui vivent la pauvreté, ne serait possible.